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L’INCONSTITUTIONNALITE DE L’OUVERTURE DU REDRESSEMENT JUDICIAIRE PAR SAISINE D’OFFICE DU TRIBUNAL

Le 20 mars 2013

L’INCONSTITUTIONNALITE DE L’OUVERTURE DU REDRESSEMENT JUDICIAIRE PAR SAISINE D’OFFICE DU TRIBUNAL

Cons. const., déc., n° 2012-286 - 7 déc. 2012 - QPC

 

Le Conseil Constitutionnel, dans sa décision du 7 décembre 2012, a abrogé la faculté pour le Tribunal de se saisir d’office afin de prononcer l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.

En d’autres termes, il a déclaré l’article L. 631-5 du Code de commerce contraire à la constitution.

Le Conseil Constitutionnel a été saisi le 16 octobre 2012 par la Cour de cassation de plusieurs questions prioritaires de constitutionalité rédigées dans des termes identiques, sur le fondement de l’article 6-1 de la Constitution.

Les termes en étaient les suivants : ”La saisine d’office par le tribunal de commerce, en application de l’article L. 631-5 du code de commerce est-elle conforme à la Constitution alors même qu’en vertu des droits de la défense et du droit à un recours juridictionnel effectif, l’on ne saurait, à la fois, être juge et partie ?

 

L’article L. 631-5 du Code de commerce autorise certaines personnes limitativement énumérées à saisir le Tribunal en vue de prononcer l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre d’un débiteur placé en état de cessation des paiements n’ayant pas lui-même procédé à cette saisine.

Dans les faits, la saisine d’office se traduit par une convocation, adressée au débiteur par acte d’huissier, à la demande du Président du Tribunal, l’invitant à comparaître dans un délai déterminé. A cette convocation est annexée une note exposant les motifs de la saisine d’office.

Dans sa décision du 7 décembre 2012, le Conseil Constitutionnel subordonne la constitutionnalité de la saisine d’office du Tribunal en vue de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, à une double condition :

-        Etre fondée sur un motif d’intérêt général ;

-        Offrir des garanties propres à assurer le respect du principe d’impartialité.

 

  • Les juges du Conseil Constitutionnel estiment la première condition remplie. En conséquence, la saisine d’office du Tribunal est fondée sur un intérêt général.

Cet intérêt général réside dans l’effet de la saisine d’office. Elle est le moyen d’éviter de retarder l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, et ainsi d’éviter l’aggravation irrémédiable de la situation de l’entreprise, lorsque les conditions de l’ouverture du redressement judiciaire sont réunies.

L’auto-saisine du Tribunal aboutit à sa substitution : d’une part, au débiteur négligeant qui ne procèderait pas à la déclaration de son état de cessation des paiements, et d’autre part, au créancier « défaillant » qui n’assignerait pas son débiteur en ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.

            La décision du Conseil Constitutionnel sur cette première condition s’inscrit dans la parfaite lignée des réformes successives opérées en droit des entreprises en difficultés, résidant dans la recherche permanente de moyens de secours à apporter aux entreprises. Le but évident est de protéger les intérêts, non pas du seul débiteur, mais également des salariés et partenaires économiques desdites entreprises.

  • Néanmoins, les sages du Conseil Constitutionnel vont fonder leur décision d’inconstitutionnalité de l’article L. 631-5 du Code de commerce sur l’absence de garantie légale suffisante d’impartialité.

L’impartialité est un principe général du droit, un attribut des droits de l’Homme au procès équitable et un principe constitutionnel indissociable de l’exercice des fonctions judiciaire et juridictionnelle.

L’impartialité est l’attitude du juge qui rend une décision sans « pré-jugement », sans opinion préconçue et en s’abstenant de tout favoritisme à l’égard de l’une ou l’autre des parties au litige.

Or, le Conseil Constitutionnel considère que, ni l’article L. 631-5 du Code de Commerce, ni aucune autre disposition légale, n’a pour effet d’assurer, dans le cas d’une saisine d’office, que le Tribunal ne préjuge pas de sa position, notamment lorsqu’il sera appelé à statuer sur le fond du dossier, à l’issue de la procédure contradictoire.

Cette décision d’inconstitutionnalité est fondée sur le risque de « pré-jugement » du Tribunal qui se prononce sur l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, dont il est lui-même à l’origine.

En effet, la faculté pour une juridiction d’introduire spontanément une instance au terme de laquelle elle prononcera une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée instaure inévitablement, dans l’esprit des justiciables, un doute légitime de partialité.

En outre, il convient de noter que le caractère contradictoire de la procédure tendant à l’ouverture d’un redressement judiciaire, ainsi que l’échange par les parties des éléments versés aux débats, ne caractérisent pas, pour le Conseil Constitutionnel, des garanties suffisantes d’impartialité.

En conséquence, le Conseil constitutionnel a définitivement mis fin à la faculté octroyée au Tribunal de se saisir d’office dans le but de prononcer l’ouverture d’un redressement judiciaire.

Cette déclaration d’inconstitutionnalité a pris effet à compter de la date de publication de ladite décision. Il en résulte que tous les jugements d’ouverture de procédure de redressement judiciaire rendus postérieurement à la date du 8 décembre 2012 sur saisine d’office sont irréguliers.

L’étendue des conséquences de la décision du Conseil Constitutionnel pourra revêtir une relative importance dans le domaine des procédures collectives.

En effet, plusieurs autres articles du Code de commerce prévoient la saisine d’office d’une juridiction dans le déroulement d’une procédure collective (articles L. 631-4, L.640-4, L. 640-5, L. 631-3 alinéa 2…). La décision du 7 décembre 2012 ne vise que l’article L. 631-5 du Code de commerce, mais on doit s’attendre à une extension de la solution pour toutes les autres hypothèses de saisine d’office.

En d’autres termes, cette décision doit s’analyser comme l’amorce de la disparition des autres cas d’auto-saisine existant dans le droit des procédures collectives.

Ceci est d’autant plus probable que la décision du Conseil Constitutionnel se situe en plein cœur du mouvement visant à supprimer toute saisine d’office dans le cadre du procès civil.

Le droit des procédures collectives ne fera probablement plus exception sur ce point.

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